Projection et inversion accusatoire chez le pervers narcissique : comprendre, repérer, se protéger

Dans toute relation marquée par l’emprise, un mécanisme revient systématiquement : la projection. Plus précisément, chez les profils manipulateurs et pervers narcissiques (PN), cette stratégie prend la forme d’une inversion accusatoire perverse, où l’agresseur parvient à faire croire à sa victime – et parfois à l’entourage ou à la justice – qu’elle est responsable de la situation, voire du mal qu’elle subit.

Cet article explore ce mécanisme psychologique destructeur à partir de deux ressources fiables et accessibles :

Ce mécanisme fait écho à un autre phénomène décrit dans notre article Accusation de pervers narcissique : quand les profils PN inversent les rôles, où l’on observe déjà comment les agresseurs savent retourner la situation à leur avantage dès que leur comportement est mis en cause.

Qu’est-ce que la projection narcissique ?

Définitions psychologiques fondamentales

La projection est un mécanisme de défense bien connu en psychologie. Il consiste à attribuer à autrui ses propres émotions, intentions ou fautes. Chez les personnalités narcissiques pathologiques, cela devient un outil de manipulation :

  • « Ce n’est pas moi qui suis violent, c’est toi qui es agressif. »
  • « Je t’accuse de manipuler, alors que c’est moi qui le fais. »
  • « Si je t’humilie, c’est parce que tu l’as mérité. »

Objectifs du PN en projetant la faute

Ce renversement permet au PN de défendre son image idéalisée et de continuer à exercer son contrôle. Il ne reconnaît jamais la responsabilité de ses actes, car cela fragiliserait son ego.

Mais au-delà de la dimension psychologique, ce mécanisme a des conséquences très concrètes dans la vie des victimes.

L’inversion accusatoire : le PN se fait passer pour la victime

Analyse de Christine Calonne (psychologue clinicienne)

Dans son article « Perversion narcissique et inversion accusatoire : comment se protéger ?« , Christine Calonne décrit très clairement ce processus. Selon elle, le manipulateur projette sur sa cible tout ce qu’il refuse de voir en lui-même : sa violence, sa lâcheté, sa méchanceté.

« L’inversion accusatoire permet de défendre une image idéalisée de soi et de se poser en victime, tout en détruisant psychologiquement l’autre. »

Stratégies typiques d’inversion

Le PN crée ainsi une confusion morale :

  • Il attaque, mais se présente comme agressé.
  • Il ment, mais accuse l’autre de trahison.
  • Il impose sa volonté, tout en se plaignant de contrôle.

Illustration concrète dans la relation privée

Prenons un exemple typique dans un couple :

  • Le PN reproche à son/sa partenaire de « crier », alors que c’est lui qui hausse le ton pour intimider.
  • Il dénonce un manque de respect, alors qu’il rabaisse ou humilie systématiquement.
  • Il accuse de manipulation ou de jalousie, tout en contrôlant l’autre à chaque instant.

Ce renversement est souvent impossible à démontrer sur le moment, surtout quand l’entourage assiste uniquement à la version du PN.

Le mécanisme de projection dans le cadre juridique

Analyse du site Droit-Famille.com (avocat spécialisé)

Dans son article « Comment démasquer un pervers narcissique en justice ?« , un avocat spécialisé explique comment cette projection se traduit très concrètement dans les dossiers juridiques.

« Le PN va utiliser les procédures pour se poser en victime. Il n’hésitera pas à accuser l’autre de harcèlement, d’aliénation parentale, ou d’abandon, pour mieux masquer sa propre violence. »

Les formes que cela prend

  • Plainte déposée en premier, pour créer un effet d’antériorité et de « crédibilité ».
  • Fausse accusation de manipulation, de négligence parentale ou de jalousie maladive.
  • Usage du langage juridique pour inverser la réalité : le PN devient « le parent protecteur », la victime est « défaillante ».

Cas concrets : instrumentalisation du système judiciaire

La plainte stratégique et l’expertise psychologique

Dans de nombreux cas, la personne toxique anticipe la séparation en déposant une plainte ou une demande d’expertise psychologique. Le but ? Créer le récit selon lequel l’autre parent, souvent le père, serait instable ou dangereux.

Pourtant, dans les faits, c’est souvent elle qui sème l’instabilité émotionnelle, par ses menaces, ses crises répétées, ou ses comportements incohérents dans le foyer.

En s’appuyant sur des accusations ciblées, la PN tente d’obtenir une expertise psychologique du père, espérant y faire inscrire des soupçons de défaillance éducative ou affective. La manœuvre est habile : elle espère que la procédure judiciaire appuie, même à demi-mot, le récit qu’elle construit. Ce récit, s’il est intégré dans un dossier de garde, peut suffire à altérer la répartition parentale, voire à réduire drastiquement la place du père auprès de son enfant.

Manipulation autour de l’enfant

Elle peut également se plaindre de troubles chez l’enfant : angoisses, comportements perturbateurs, crises de colère… en laissant subtilement entendre que le père en serait la cause. Le discours s’installe : « je veux protéger notre enfant ». Mais derrière ces propos, se cache une volonté de captation exclusive du lien parental, souvent en supprimant la garde alternée.

Cette stratégie vise à frapper là où ça fait mal : en atteignant le lien affectif père-enfant. Le père est souvent profondément engagé émotionnellement et moralement dans la coparentalité, ce que la PN perçoit comme une faille exploitable.

Fausse coparentalité : un autre masque de la projection

Un autre scénario fréquent est celui d’une prétendue volonté de « coparentalité apaisée ». Le PN affiche un discours très contrôlé, de façade : il dit vouloir coopérer, maintenir le dialogue, privilégier l’intérêt de l’enfant. En apparence, tout semble fonctionner… sauf que cette coopération n’existe que tant que la victime cède à toutes les exigences.

Derrière cette image se cache une stratégie de contrôle déguisé. Le moindre désaccord entraîne immédiatement une reprise d’hostilité ou des accusations : la victime serait « non collaborative », « conflictuelle », ou encore « dans l’incapacité de dialoguer ».

Cela permet au PN de continuer à imposer ses décisions tout en se posant en modèle de pacification devant la justice. Une façade redoutablement efficace, surtout lorsque le système judiciaire encourage les parents à « se mettre d’accord à l’amiable » sans voir que l’un d’eux détourne justement ce cadre pour imposer ses règles.

Comment se protéger efficacement ?

  1. Reconnaitre les signes psychologiques
    • Observer les contradictions entre les actes et le discours
    • Refuser de culpabiliser pour ce qu’on ne maîtrise pas
  2. Documenter précisément les faits
    • Captures d’écran, échanges, attestations
    • Dossier chronologique rigoureux
  3. S’entourer d’un réseau et d’experts
    • Soutien psychologique et juridique
    • Avocats formés aux profils manipulateurs
  4. Ne pas tomber dans le piège du doute
    • Se réapproprier ses perceptions
    • Se faire valider par des regards extérieurs
  5. Mobiliser des ressources juridiques adaptées
    • Solliciter des mesures de protection parentale
    • Demander une contre-expertise ou une audition de l’enfant encadrée

Conclusion : rétablir la vérité

La projection n’est pas juste un mensonge. C’est une arme psychologique. Elle est redoutable car elle est crédible. Et c’est souvent ce qui fait le plus de mal aux victimes de pervers narcissiques : être perçues comme fautives alors qu’elles sont brisées.

Mais cette mécanique peut être identifiée, comprise et déjouée. Le travail des psychologues et des avocats converge : il s’agit de remettre la vérité à sa juste place, avec rigueur, courage, et clarté.

Reprendre sa place, ce n’est pas accuser. C’est refuser d’endosser une faute qu’on n’a jamais commise.

Avertissement : cet article est publié à des fins de sensibilisation uniquement. Il ne constitue en aucun cas un avis médical, psychologique ou juridique. Pour toute situation personnelle, il est essentiel de consulter un professionnel qualifié (avocat, thérapeute, médecin, etc.).

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